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    13 novembre 2010
    Dans le cadre de la Mission d’information sur les droits de l’individu dans la révolution numérique, voici le contenu de l’intervention de Sophie Jehel, docteure en sciences de l’information et de la communication, agrégée en sciences économiques et sociales, membre du Conseil scientifique du Collectif Interassociatif Enfance, Média, Éducation.

    L’intervention a développé trois points principaux :

    1. La régulation d’Internet doit associer l’ensemble des acteurs concernés afin de mettre en place une corégulation tripartite, Acteurs de l’économie numérique/Pouvoirs publics nationaux et européens/ Associations représentatives des parents et des éducateurs.

    2. La Protection de l’enfance doit être intégrée à une démarche éducative large visant l’ensemble des publics.

    3. L’Internet ne doit pas conduire à une régression des droits de l’individu ni de ceux de l’enfant.

    Sophie Jehel s’est appuyée sur les positions officielles défendues par le CIEME sur ces sujets, mais aussi sur deux enquêtes, l’une du Cieme sur l’usage des systèmes de filtrage parental, l’autre sur les usages des médias pour les préadolescents (cm2 et sixième) double enquête sur 1142 enfants, leurs parents, et les usages des systèmes de classification des contenus à risque, réalisées en 2007.

    1. La régulation d’internet doit associer en France et au niveau européen l’ensemble des acteurs concernés dans une corégulation tripartite

    L’individuation de l’accès aux médias via internet et les téléphones mobiles constitue un véritable défi éducatif pour nos sociétés. L’éducation des enfants ne peut se faire seule, ni peser sur les seuls parents, lorsque leurs enfants sont confrontés dès leur plus jeune âge à des espaces publics immenses. Elle a besoin des ressources politiques et sociales de l’ensemble de la collectivité.

    Les pouvoirs publics communiquent sur l’Internet essentiellement à partir de ses dangers. Certaines campagnes coup de poing ont cherché à culpabiliser les parents qui laisseraient tout faire à leurs enfants. Internet est un média multifonction, qui bouleverse nombre de pratiques. Mais les parents sont à la recherche d’outils simples, de boussoles pour accompagner leurs enfants et assurer leur bon développement. Ils considèrent que leur travail de médiation doit se poursuivre au moins jusqu’à 16 ans. Ils ne sont pas démissionnaires. Ils sont très attachés aux systèmes de signalétique comme pour la TV ou les jeux vidéo, et pour Internet ils se sentent dépassés. Les mères de haut niveau social et universitaire n’hésitent pas à faire part de leurs grandes difficultés. Les milieux populaires sont encore plus perdus et ont encore plus de difficultés avec un outil qu’ils utilisent moins souvent dans le cadre de leurs activités professionnelles, et avec lequel ils se sentent moins à l’aise.

    Afin de développer des politiques publiques de prévention qui s’adressent vraiment à tous et non seulement aux utilisateurs actifs d’Internet il est important :
    - De mettre en place des moyens de communication grand public associant les médias traditionnels et de ne pas spécialiser la communication sur Internet à une communication via Internet car, comme le montrent les enquêtes récentes (Cevipof notamment, ou Pratiques culturelles du ministère de la culture), les pratiques d’internet sont très différenciées socialement.
    - Il faut aussi développer les actions de terrain avec des réseaux d’animateurs agissant dans le cadre de structures pérennes. D’où l’importance de s’appuyer sur des associations représentatives visant largement les questions éducatives et familiales, comme celles qui sont regroupées dans le CIEME.

    La corégulation signifie que l’on doit aussi régulièrement veiller à l’efficacité de la transmission de l’information vers la société civile, en créant des lieux de consultation et de rencontre régulière où les attentes des différents groupes impliqués peuvent être exprimées et en maintenant ceux qui existent.

    2. La Protection de l’enfance doit être intégrée à une démarche éducative large

    Ce second point est la suite logique du premier. La protection de l’enfance fait partie des préoccupations éducatives des parents. Il faut articuler l’attachement des parents à la fréquentation par leurs enfants des médias « modernes » et les réflexes nécessaires à la protection des enfants, avec des démarches différentes selon leur âge.
    Si l’on veut dépasser le stade constaté aujourd’hui d’une certaine sensibilisation des parents et des jeunes pour aller vers une véritable mise en pratique des conduites protégées, il faut que celles-ci puissent être véritablement intégrées aux temps éducatifs, notamment à l’école. Il faut aussi aménager des temps réguliers de contact avec les parents et les éducateurs sur ces questions.

    Le CIEME constate avec regret que le rapport Vincent Deray fruit de plusieurs mois de travail sur ces questions en 2009 n’a débouché sur aucune action concrète des pouvoirs publics.

    Par ailleurs, pour concilier une démarche de protection et une démarche d’éducation, il serait important que les sites internet les plus fréquentés par les enfants français développent des pratiques à la fois de protection et d’étiquetage des contenus à risque, et une offre de qualité en direction des préadolescents et des adolescents.

    3. L’Internet ne doit pas conduire à une régression des droits de l’individu ni de ceux de l’enfant que ce soit sur le plan de la protection de l’enfance ou de la préservation de la vie privée

    Pour la protection de l’enfance, des systèmes existent mais avec de nombreuses failles, malgré les progrès des dernières années.
    Les systèmes de filtrage parental ont été améliorés, mais aucune enquête nouvelle n’a été conduite, à ma connaissance, auprès des parents relativement à leurs usages et à leur niveau de satisfaction.
    Ces systèmes sont, dans l’attente d’autres moyens de régulation, essentiels. Ils posent cependant de nombreux problèmes pratiques aux parents, particulièrement à ceux qui sont les moins à l’aise avec Internet. Un grand nombre, non quantifié, débranche en effet ces systèmes après les avoir installés du fait de phénomènes de surblocages ou de gênes (cf mes 2 enquêtes).

    Dans le secteur de l’audiovisuel, on est parvenu en France à mettre en place un système de régulation et d’étiquetage qui convient aux parents et auquel adhèrent les préadolescents notamment. Ce système repose notamment sur des horaires de diffusion et un système d’étiquetage qui a été modifié jusqu’à ce qu’il devienne clair pour tous. Il est important que le développement des contenus en ligne notamment sur les sites des diffuseurs français ne se fasse pas au détriment des règles actuelles de régulation et n’aboutisse pas à leur effritement sur le média qui reste dominant, à savoir la télévision.
    Pour le téléphone mobile, malgré les actions entreprises notamment par l’AFOM, le nombre de parents qui utilisent le filtrage des contenus à risque est extrêmement faible.

    Les pouvoirs publics ne peuvent se dégager de leurs responsabilités propres en ce domaine et s’en remettre entièrement à des entreprises privées, fussent-elles proactives (notamment lors de la mise en service des nouveaux portables). La culture politique et citoyenne française fait en effet que c’est par l’engagement de l’État que les parents français accordent leur confiance à des systèmes de régulation. C’est à eux également de faire réaliser des études précises permettant de comprendre les motivations de la méfiance des parents vis-à-vis de ces outils. Vu la précocité de leur équipement dans les milieux populaires en particulier, il s’agit aussi d’une urgence.

    Paris, le 9 novembre 2010



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